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Bhoutan

À la recherche de la bière fermière du Bhoutan bouddhiste, 1ère partie

Bhoutan
Le dzong (forteresse) de Trashigang, dans l'est du Bhoutan.

La frontière nord du pays est délimitée par certains des plus hauts sommets de la plus haute chaîne de montagnes sur Terre : les Himalayas. Les frontières est et ouest sont tout simplement fermées. Personne n’a le droit d’y passer. Reste la frontière sud, qui compte seulement trois postes d’entrée routiers sur environ 400 kilomètres, dans une zone tropicale où vivent en liberté 600 tigres, de multiples langurs sacrés et quelques rhinocéros qui traversent de l’Inde sans visa. De quel pays parle-t-on ? Le Bhoutan. Un minuscule royaume bouddhiste dissimulé à flanc de montagnes entre deux géants, la Chine et l’Inde. C’est là qu’une des dernières traditions brassicoles fermières de la planète se cache, à l’abri de la commercialisation.

UNE UTOPIE BOUDDHISTE ?

C’est qu’au Bhoutan, plus de la moitié de la population est quasi auto-suffisante. Chaque ferme fait pousser ses légumes, ses céréales, son riz rouge et fait ses propres produits laitiers (fromage, beurre, lait). Dans l’est, c’est le maïs qui est cultivé avant la saison du riz. Au centre, c’est le blé et le sarrasin. Dans l’ouest, où la majorité des Bhoutanais sont installés, c’est l’orge et le blé. Chaque ferme produit donc de la bière à partir des céréales typiques à sa région. Un peu comme dans plusieurs cultures européennes avant l’arrivée de l’industrialisation et des guerres mondiales, des milliers de fermes font de la bière pour leur consommation personnelle, les fêtes de village, les mariages et les cérémonies religieuses qui leur sont importantes. Comme ces belles histoires décrites sur les bouteilles de Saison belge et de ‘Farmhouse Ale’ à l’américaine, quoi. Mais aujourd’hui, au 21e siècle.

Bhoutan

La famille royale du Bhoutan, malgré quelques faux pas dans son parcours (notamment l’exode forcé des Népalais d’origine dans les années 90), a tout d’une grande famille bienfaisante aujourd’hui. Son leadership progressif amène la population à construire un des pays les plus verts sur la planète. Exemple : aucun animal ne peut y être tué. Si on trouve de la viande au menu d’un restaurant, c’est qu’elle provient de l’Inde. Sinon, la majorité de la population se dit végétarienne. Près de 60% du territoire du Bhoutan, d’une superficie semblable à celle de la Suisse, est protégé au même titre qu’une réserve naturelle ou un parc national chez nous. Des « ponts » naturels ont même été créés pour que les animaux sauvages, des tigres aux sangliers, puissent traverser le pays, du sud au nord, sans jamais avoir à rencontrer l’homme et sa modernité.

Fumer est aussi illégal au Bhoutan. Que ce soit le tabac ou le cannabis importe peu. Des feuilles de cannabis poussent d’ailleurs ici et là le long des routes de campagne, sans jamais être cueillies.

Chaque sac est fait de tissu teint à la main, aucun plastique n’étant toléré dans les magasins. Inutile de dire que la pollution est quasi-inexistante au pays. Qui plus est, des écriteaux en dzongkha et en anglais vantent les mérites du travail artisanal un peu partout au pays. On encourage donc constamment toutes ces fermières et fermiers à propager leur savoir à leurs enfants. Dans un tel contexte, vous comprendrez que nos attentes quant à la scène brassicole campagnarde étaient très élevées. En effet, toutes les conditions sont réunies au Bhoutan pour qu’on y trouve une oasis où des milliers – oui, des milliers – de fermes produisent leurs bières traditionnelles. De plus, le pays étant isolé depuis si longtemps, il se pouvait fort bien que notre périple allait révéler une culture brassicole figée dans un passé bien plus lointain que nous pouvions l’imaginer.

NOTRE DÉFI, EN QUELQUES MOTS

19 touristes sur 20 arrivent au Bhoutan par l’aéroport de Paro, situé tout près de la capitale de Thimphu, dans l’ouest du pays. Mais nous avons décidé d’arriver de l’autre côté complètement, soit dans le sud-est plus précisément, en traversant l’Assam indien par la route pour se rendre à la ville frontalière de Samdrup Jongkhar. La raison ? La mousson de juillet arrive par l’est et nous devions enquêter sur les coutumes de la région de Trashigang (extrême est du Bhoutan) avant que les pluies diluviennes ne nous rattrapent. C’est que la récolte des céréales se fait avant la mousson. Même chose donc, vous aurez compris, pour le brassage de la bière. Pendant tout le voyage, nous allions nous diriger tranquillement et dangereusement (je vous parlerai des routes à flanc de montagne plus tard) vers l’ouest, en espérant que la mousson ne soit pas poussée par des vents plus rapides que notre vanette et ses 20/25 km/h.

Dans le prochain article, on se fait couper le souffle de toutes les façons imaginables, question de mieux préparer le terrain pour notre enquête sur les styles de bières fermières du Bhoutan.

Paro
Rizières aux abords de Paro.

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