Éditorial

Ces grands qui mangent les petits

Dans un futur probablement pas si éloigné, de grandes brasseries, ou pourquoi pas des investisseurs étranger, achèteront une, non, plusieurs microbrasseries québécoises de renom. C’est normal, ce ne sont pas tous nos entrepreneurs préférés dont les enfants veulent reprendre les rênes d’une affaire qui leur bouffe plus de 60 heures par semaine. C’est d’autant plus normal que les grandes brasseries y voient une menace et les investisseurs étrangers y verront tôt ou tard une opportunité.

Ces acheteurs n’auront d’autres ambitions que de faire fructifier leur investissement. De faire de l’argent, en vendant de la bière. Or, jusqu’ici, les précédents que peuvent être les acquisitions des Goose Island, Creemore Springs ou, plus près d’ici, Unibroue, ne se sont pas soldés par la disparition du bon goût que plusieurs amateurs anticipaient.

Unibroue

Devrions-nous donc percevoir d’un œil négatif l’acquisition de bonnes brasseries par des investisseurs ayant des poches plus profondes, une ambition plus grande, et souvent, un réseau de distribution plus étendu? Probablement pas, en fait! Plus il y aura de demande pour la bière de qualité, plus celle-ci se rapprochera de notre idéal qui est simplement l’ubiquité de la bonne bière : qu’elle soit disponible dans les grandes tables comme dans les chaînes hôtelières insipides. Qu’on la trouve chez St-Hubert comme dans les supermarchés en région. Si tout le monde est exposé à la bonne bière lorsque le contexte se prête au partage d’une boisson alcoolisé, elle devient un choix crédible, un choix à considérer. Elle fait partie de la conversation de monsieur et madame tout le monde. Et ultimement, cette brasserie que nous respections, mais qui a « vendu son âme » à des intérêts étrangers ou de grande envergure, a un impact encore plus grand que celui qu’elle avait du temps où son âme vivait.

Soudainement, elle est remplacée par des dizaines de nouvelles brasseries qui rêvent non seulement de satisfaire les nouveaux clients qui demandent et redemandent de la bonne bière puisque cette dernière représente un choix crédible et répandu, mais qui rêvent aussi de subir le même sort que leur idole de jadis, soit celui de monétiser leurs efforts par un rachat aux mains d’intérêts étrangers. La réalisation qu’une telle possibilité est bien réelle et non pas juste une utopie occasionnelle en Ontario et aux États-Unis risque de motiver une nouvelle génération d’entrepreneurs brassicoles en herbe qui contribuera à sa façon à faire la promotion de la bonne bière. Mais qui y gagne ultimement? Simple : tout le monde, la bonne bière rend les gens heureux. Et le plus de gens elle rendra heureux, plus leur prochain sera heureux. Si ce n’est pas là une religion, je ne sais pas ce que c’est.

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