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Les malteuses de maïs de Cochabamba

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Cet article est le deuxième dans une série de six qui vise à prouver que la chicha, plus spécifiquement celle de la région de Cochabamba en Bolivie, mérite d’être acceptée parmi les styles de bière reconnus par le reste de la planète brassicole.

Pour faire de la bière, il faut utiliser une ou des céréales. Les Quechuas boliviens, comme plusieurs cultures post-Incas, utilisent le maïs. Plus précisément, les variétés chuspillo et wilkaparu. Pour faire de la bière, on peut prendre une céréale crue, mais il est souvent plus efficace de malter la céréale. En d’autres mots, il devient pratique de préparer la céréale à ce qu’elle puisse partager ses sucres à un agent de fermentation qui les transformera en alcool. Les brasseuses de chicha de Cochabamba choisissent de faire malter leur maïs.

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En effet, dans chaque village traditionnel de la haute vallée de Cochabamba, des dames, appelons-les des « malteuses », préparent le maïs pour les brasseuses de chicha du coin. Elles trempent le maïs dans de l’eau tempérée afin d’amorcer sa germination. Et lorsque le tout semble prêt à germer, elles retirent les grains de maïs de leur bain et puis les allongent sur une couverture au grand soleil. Parfois dans la rue, ou même sur le toit de leur maison. Tout comme les malteries modernes, elles font aussi sécher le grain de maïs afin de stopper sa germination en cours de route. Aucune torréfaction n’a lieu. Quoique certaines nous ont confié utiliser un peu de braise pour sécher la cosse du grain, régle générale, le maïs est séché à la lumière du jour. Le tout se fait à la main puisque les quantités sont petites. Les malteuses de maïs mettent ensuite leur malt dans des poches qu’elles vendent aux brasseuses qui le concasseront eux-mêmes.

C’est la première étape de transformation du maïs qui fera de la Chicha Quechua… une bière.

Ici, Doña Leonor Mariscal, malteuse de 70 ans du village de Totora, retourne ses grains de maïs pendant leur germination

Beaucoup d’encre a coulé sur la vidéo et la bière produites par l’équipe de la réputée brasserie Dogfish Head, aux États-Unis. Il y a quelque temps, ils ont produit une ‘chicha’ selon les anciennes méthodes incas. La recette leur demandait de mâcher les grains de maïs afin d’aider la conversion de l’amidon contenue dans la céréale en sucres simples, le maltose, qui pourra être fermenté plus tard par les levures. Cependant, si on se fie aux Quechuas de la Bolivie, cette méthode est archaïque et est souvent gage de chicha inégale, ou de piètre qualité. Bien que cela puisse paraître ironique après avoir vu leurs méthodes de maltage quand même rudimentaires, les brasseuses de chicha de la région de Cochabamba ne mâchent plus leurs grains de maïs. Ils font plutôt appel à des dames comme Doña Leonor Mariscal, photographiée ci-dessus, afin de préparer un malt de maïs de qualité. La version Dogfish Head ne représente donc aucunement ce que l’on retrouve des hautes vallées de la région de Cochabamba.

Dans le prochain billet, nous entreprenons la présentation d’une étape cruciale de la fabrication de la Chicha Quechua: l’empâtage. Un processus fort complexe, vous le verrez bien, pour des brasseuses considérées comme ignorantes de la science moderne…

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Ici, Doña Leonor Mariscal, malteuse de 70 ans du village de Totora, retourne ses grains de maïs pendant leur germination

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